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Résumé analytique

Afrique

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Le monde arabe

Amérique latine et Caraïbes

Europe/Amérique du Nord

Afrique

Section basée sur les rapports régionaux préparés par Awa Ba, Afrique francophone et par Wangu Mwangi-Greijn avec le soutien de Mary Wandia (FEMNET), Afrique anglophone.

Introduction

Rita Mijumbi, une consultante de l'International Women's Tribune Centre, prend des photos qui serviront à la production d'un CD-ROM destiné à des femmes en milieu rural dans les télécentres ougandais.
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En Afrique, le pluralisme dans le domaine politique et la privatisation enclenchée dans le secteur économique se sont accompagnés d’un pluralisme médiatique. Le vent de la démocratisation venu de la lointaine (en termes géographiques) mais proche (en termes de moyens de communication) Europe orientale, au lendemain de la chute du mur de Berlin, n’ayant pas épargné les régimes dictatoriaux les plus caciques de la région, a permis, par la même occasion, la remise en cause de tous les monopoles médiatiques. Les médias sont considérés comme les principaux instruments de propagande aux mains des partis-États ; instaurer le pluralisme dans le secteur constitue une autre façon de briser le régime des partis uniques. Les attentes par rapport aux médias se sont révélées importantes, car ils sont appelés à jouer un rôle de premier plan dans la consolidation des démocraties naissantes.

L’expansion des technologies de l’information et de la communication (TIC) constitue un développement important. Des femmes journalistes qui assistaient à l’atelier de formation de l’UNESCO en Afrique anglophone au mois de mars 2001 n’avaient pas encore utilisé le courrier électronique ou Internet à l’époque de la Conférence de Beijing. Toutefois, cinq ans plus tard, elles étaient toutes familiarisées avec ces technologies.

De façon générale, l’élargissement de l’espace médiatique — un meilleur accès aux téléphones (sans fil), à la radio commerciale et aux chaînes de télévision en plus d’une presse indépendante — a été positif pour les femmes. Ces moyens de communication ont ouvert des espaces, et continuent à le faire, permettant à différentes voix de se faire entendre, en particulier celles des femmes marginalisées par les grands médias et les médias conventionnels. Mais toutes les femmes n’en profitent par pour autant. Dans les villes africaines d’aujourd’hui, le moderne et le traditionnel vivent côte à côte — des paysans en habit traditionnel font pâturer leur bétail au pied d’immenses gratte-ciel. De la même façon, tandis que certaines Africaines participent aux plus récentes conférences électroniques mondiales, d’autres n’ont encore jamais fait un appel téléphonique, ne possèdent pas de poste de radio, ni n’ont l’occasion d’en écouter.

Les Africaines sont désavantagées sur bien des plans. Les mœurs traditionnelles persistent dans presque toute la région et, malgré quelques changements, les femmes continuent dans l’ensemble à vivre dans des sociétés patriarcales et restent confinées dans des espaces privés. Le domaine ménager est encore considéré comme le domaine par excellence des femmes. L’école — quand elle existe — n’est pas considérée comme une priorité pour les filles. Les seuls rôles que les femmes sont supposées assumer sont ceux d’épouse et de mère. Au plus, elles peuvent entreprendre de petites activités marginales ou cultiver la terre dans les régions rurales, pour apporter quelques ressources supplémentaires au revenu de la famille.

Le paysage médiatique africain : si proche et pourtant si loin

Depuis Beijing, des études et des ateliers ont conclu que la situation Femmes et Médias en Afrique est problématique. Une conférence de 1998 de l’Association mondiale pour la communication chrétienne (AMCC) a conclu que les pays d’Afrique anglophone partageaient de nombreux problèmes associés aux femmes et aux médias. Parmi ceux-ci on signalait « une pénurie grave de politiques médiatiques sexospécifiques, une tradition éhontée de reportage criminel sur les femmes, un sexisme flagrant et une lascivité non réprimée à la radio et à la télévision ainsi que dans les grands organes de presse, aucun accès pour les pauvres des régions rurales et des conditions de travail défavorables pour les femmes journalistes ».

Dans bien des cas, la libéralisation des médias a entraîné la prolifération de publications de style tabloïd qui se nourrissent de scandales et d’histoires de sexe. Bien que certains journaux réputés fassent des reportages plus approfondis sur les questions concernant les femmes — par exemple, la longue campagne contre les viols du journal East African Standard —, il y a aussi la tentation de retourner aux moyens éprouvés de vendre des journaux.

Le nombre de femmes travaillant dans les médias reste moindre. Au Kenya, seulement 10 % des journalistes sont des femmes. Seulement trois femmes journalistes occupent des postes de cadre au East African Standard et au Nation Media Group, sur un total de 150 et 200 journalistes respectivement.

Une étude de la Fédération des femmes africaines spécialistes des médias (FAMW-SADC) menée en 1998 a révélé que l’on trouve en moyenne 24 reporters hommes pour 6 femmes dans les organisations médiatiques en Afrique australe. Ce bilan est dû à la mauvaise rémunération des emplois, aux attitudes négatives et sexistes, au harcèlement sexuel tout autant au travail qu’en reportage, aux préjugés manifestés par ceux qui sont interviewés par des femmes reporters, et à l’attribution de reportages de moindre importance aux femmes journalistes. Dans de nombreux pays, les femmes journalistes abandonnent leur métier et se tournent vers d’autres domaines tels que les relations publiques et le secteur des ONG.

Un projet mondial de surveillance des médias (PMSM) de l’Association mondiale pour la communication chrétienne (AMCC), réalisé pour la première fois en 1995 et répété en 2000, a analysé la représentation des femmes dans les médias dans plus de 70 pays. Le projet de l’an 2000 a déterminé que les femmes ne représentent que 18 % des sujets aux informations, une toute petite augmentation par rapport aux 17 % de 1995. Les Africaines représentent 48 % des présentatrices à la radio et à la télévision et 24 % des reporters.

Au Mali, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Bénin, les radios et les journaux privés font leur apparition, tandis qu'au Sénégal, cette diversité médiatique, enclenchée il y a quelques années déjà, s’est accentuée durant les dernières années.

Une multitude de radios privées, communautaires ou associatives ont envahi les ondes. Le Mali est un pays cité en exemple pour cette dernière catégorie de médias. À l’exception de la télévision, qui reste encore sous la mainmise des pouvoirs publics dans la plupart des cas, la liberté de presse a été proclamée, malgré la persistance de quelques exceptions notables. Cela se traduit par un plus grand nombre d’acteurs médiatiques. Les femmes vont bénéficier de ce boom puisque leur présence dans les médias va s’accroître en conséquence. Cette augmentation des effectifs féminins est néanmoins disproportionnée.

Dans la totalité des treize pays de l’Afrique francophone, les effectifs des femmes sont beaucoup moins importants que ceux des hommes dans tous les types de médias (radios, télévisions et journaux). Ils atteignent, selon une étude commanditée par l’Institut Panos et intitulée Situation, place et rôle des femmes dans les médias en Afrique de l'Ouest, à peine 21 % au Mali, 20 % au Sénégal, 19,6 % au Togo et 11,7 % au Burkina Faso.

Selon un rapport de l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC) d’avril 2000 intitulé Beijing Platform and Community Radio of Women, sur les 64 radios répertoriées au Mali (dont 28 associatives, 22 commerciales, 9 communautaires et 4 confessionnelles), on note la présence de 276 femmes. Sur celles-ci, 98 % sont des annonceuses, des secrétaires et des techniciennes. Sur les 64 radios, seules 3 sont dirigées par des femmes ; on ne compte qu’une femme directrice de programme et 10 autres qui occupent le poste de comptable.

Le Sénégal compte au moins 15 radios privées et l’une d’entre elles, Sud FM, a en plus de sa station mère basée à Dakar quatre autres antennes régionales. La chaîne publique, la Radio télévision du Sénégal (RTS), totalise 10 stations dont trois à Dakar. La particularité notable de ce pays est l’existence de cinq radios créées et dirigées par ou pour des femmes : Afia FM, Altercom FM, FM Santé, Coumba FM et Soxna FM.

Les femmes font 38 % des effectifs dans les radios au Sénégal. La répartition sexuelle selon la fonction remplie montre que 29 % des journalistes, 26 % des techniciens et 53 % des annonceurs (ceux et celles qui lisent à l’antenne les avis et communiqués) sont des femmes. Toutefois, ces stations diffusent le plus souvent des programmes qui n’œuvrent pas pour une rupture avec les images traditionnellement véhiculées sur les femmes et renforcent donc les stéréotypes négatifs dont restent victimes les femmes. Une des grandes fiertés des femmes dans les médias au Sénégal est l’accession dernièrement d’une femme à la tête de la chaîne nationale RTS, où elle occupait auparavant le poste de rédactrice en chef.

La situation au Burkina Faso est quasi identique : seules 25 femmes contre 133 hommes travaillent dans les 16 radios associatives, communautaires, rurales ou locales, du pays. Pourtant, l’étude Panos fait ressortir que la radio est le média où l'on enregistre une plus grande présence des femmes au Burkina Faso. Au Togo, sur les 19 radios, il y a un total de 178 femmes pour 604 hommes. Le Niger et le Cameroun connaissent une situation guère meilleure ; les femmes sont minoritaires et occupent pour la plupart des postes subalternes.

À la télévision, les femmes qui travaillent dans les chaînes publiques et les rares chaînes privées se voient davantage assigner des tâches où on leur demande, explicitement ou implicitement, d’user de leurs charmes pour satisfaire la clientèle. On en arrive à engager les services d’une femme du seul fait de sa beauté physique, avec l’idée que le temps et la pratique feront le reste.

Seules quelques femmes accèdent au cercle fermé des décideurs et au milieu traditionnellement réservé aux hommes du traitement de l’information économique et politique. Les femmes qui animent les débats politiques sont rares et sont doublement fragilisées : face au public qui est particulièrement exigeant avec elles sans aucune indulgence et face à leurs interlocuteurs — presque exclusivement hommes — qui les méprisent la plupart du temps. La moindre faute ou contre-performance professionnelle, comme la moindre prouesse d’ailleurs, est toujours rapportée à leur état de femme : « c’est une femme, elle est incapable ! » ou « c’est une femme, elle a usé de son charme pour obtenir ce scoop ! »

En Afrique francophone, selon une étude de l’AMCC en 2000, les femmes ne représentent que 18 % des sujets d’informations même si elles sont 41 % des producteurs d’informations au niveau mondial. Cette étude qui a couvert 70 pays, dont 11 africains, portait sur les contenus des journaux et des médias audiovisuels.

Dans la plupart des pays de l’Afrique francophone, c’est le système patriarcal qui domine. Les hommes se hissent à la tête de la hiérarchie sociale avec les rôles de premier personnage de la famille, de la société et de toute autre structure qui la compose. La femme a son importance mais elle est restreinte à la sphère domestique en tant qu’épouse et mère. Pour représenter une femme en activité, il n’y a rien de mieux que la cuisine, la broderie ou la couture. Lorsque les médias l’imaginent dans une administration quelconque, elle est secrétaire, infirmière, institutrice ou monitrice d’économie familiale.

Dans les pièces de théâtre diffusées à la télévision sénégalaise, par exemple, Satan est presque toujours symbolisé par une femme. De même, ce sont des femmes qui sont les entremetteuses, les vipères et autres colporteuses de rumeurs. Elles s’y crêpent le chignon pour s’attirer les faveurs de l’amant ou du mari. L’image standard est celle d’une jeune femme à la peau dépigmentée — avec des rondeurs bien en vue conformément à l’idéal féminin, selon l’homme sénégalais — fardée et richement sapée grâce au concours de multiples dettes contractées un peu partout : du vendeur de tissu à la coiffeuse, en passant par le couturier et le vendeur d’effets de toilette. Dans ces représentations, en fait, son charme est assez souvent mis à contribution pour obtenir les faveurs de ces derniers. Le principal dada de ces femmes ? Défiler chez tous les marabouts de la contrée pour jeter des mauvais sorts à leurs rivales et pour obtenir les potions magiques à administrer à l’élu de leur cœur. Des entreprises qui, toujours selon ces représentations, aboutissent parfois à des drames lorsque l’homme en question succombe, après avoir consommé à son insu une boisson ou un aliment malsain.

Dans les vidéoclips, les jeunes filles ont des corps beaux et lisses et des jambes longues et claires. Dans le traitement de l’information, l’exposé et l’interprétation des faits se font toujours au désavantage des femmes. Dans les cas délicats de viol, d’avortement, d’infanticide, de violence conjugale et familiale, les comptes rendus mettent toujours l’accent sur un tort sans conteste des femmes. De victimes, elles se retrouvent incriminées. Une femme est violée ? C’est parce qu’elle s’est montrée, par son habillement ou par sa gestuelle, trop provocante. Tous ces types d’information sont généralement classés sous la rubrique des faits divers.

Avec la prolifération des radios privées et commerciales, le risque est aujourd’hui plus grand. On assiste ainsi à la naissance, au Sénégal par exemple, de journaux spécialisés dans les faits divers (qui sont presque réduits à des histoires de sexe et de femmes) uniquement. Par ailleurs, ces différents organes qui disposent de moyens limités recourent à un personnel jeune et non qualifié. Il y a peu d’émissions ou de rubriques consacrées aux femmes ; celles qui existent ont un contenu inscrit dans le créneau traditionnel des femmes, celui qui fait d’elles de bonnes ménagères. Le hic c’est que ces programmes sont dans une large mesure pris en charge par des femmes. Qui de mieux qu’une femme pour persuader ses congénères que leur vraie place est au foyer, et les convaincre des vertus de la polygamie ou de l’absurdité des thèses féministes ? C’est également le piège de certaines radios dites de femmes, comme on en a vu au Sénégal. Ce dernier point de vue ne doit cependant pas occulter le fait que ce soit par une plus grande et une meilleure participation des femmes dans les médias que l’on parviendra à corriger la diffusion d’images stéréotypées et négatives sur les femmes.

Les femmes ne sont pas toujours les premières personnes-ressources auxquelles on a recours lorsqu’il s’agit d’apporter un éclairage sur une situation donnée, mais il arrive maintenant qu’on les fasse parler. Elles sont plus visibles dans les médias qu’il y a dix ans. Un animateur d’une émission quelconque serait aujourd’hui moins enclin à avoir un plateau composé uniquement d’hommes ; il est fort probable que la représentativité des femmes ne soit pas égale à celle des hommes, mais dans la plupart des cas, on peut présager la présence d’une femme au moins. Pour le décor peut-être ?

On note des progrès, résultant de la sensibilisation des médias, même s’ils alternent avec des glissements en arrière. Les femmes luttent de plus en plus pour se faire entendre, en refusant de démissionner et en mettant la pression sur les hommes, elles les poussent dans leurs derniers retranchements. On remarquera de plus que, dans une rédaction où il y a la présence d’au moins une professionnelle aguerrie, il y a une plus grande sensibilité au genre puisque celle-ci peut jouer un rôle de garde-fou.

Les médias électroniques en sont encore à leur tout début. Les diffusions via Internet sont assez rares. Dans la majeure partie des cas, on ne rencontre sur Internet qu’une version électronique des médias imprimés ou auditifs. Néanmoins, les femmes d’Afrique francophone sont tout aussi concernées par l’instrumentalisation de la femme que perpétue la diffusion sur Internet d’images sexuellement stéréotypées ou dégradantes de la femme.

Des changements malgré les obstacles

Un bon nombre des progrès mentionnés par les gouvernements à l’occasion de l’examen à mi-parcours de la décennie de la Plate-forme d’action de Beijing, tenu en 1996, ont été déclenchés par, ou entrepris en collaboration avec, des ONG ou d’autres acteurs de la société civile.

Les organisations médiatiques de femmes ont offert des cours de formation et de perfectionnement des compétences aux femmes des médias pour assurer une meilleure couverture des points de vue des femmes et pour leur permettre de rompre le « plafond de verre » et d'accéder à des postes de direction dans les médias. Elles ont intensifié leurs efforts de lobby et de promotion et défense de la cause. Dans l’infrastructure des télécommunications, elles ont cherché à créer des politiques de communication sexospécifiques et à combattre la couverture négative et stéréotypée des femmes dans les médias en nommant publiquement les coupables pour leur faire honte.

Par exemple, pour obtenir une image plus positive de la femme dans les médias, des femmes ont formé des associations médiatiques dans la plupart des pays, avec comme objectif principal d’améliorer le contenu des informations, en poussant les médias conventionnels à couvrir des événements qui représentent positivement les femmes. En Tanzanie, la Tanzania Media Women's Association (TAMWA) a été active sur plusieurs fronts. Elle a adopté une approche « coup de poing » en accordant la couverture massive d’une question en particulier dans toute une gamme de médias pour s’assurer d’avoir beaucoup d’impact. En Éthiopie, la Ethiopian Media Women's Association (EMWA), récemment établie, a collaboré avec une association d’avocates et de juristes, la Ethiopian Women Lawyers Association, pour mener des efforts de conscientisation au sujet des droits juridiques des femmes. L’UMWA en Ouganda s’apprête à lancer une station de radio qui accordera une place primordiale aux questions féminines.

En Zambie, une ONG féminine a réussi au moyen d’une pétition à persuader une entreprise de retirer une publicité sexiste pour un détergent de lessive. Au Kenya, des organisations de femmes ont récemment commandité un concours de composition de chansons, ouvert aux hommes et aux femmes, sur le thème des contributions positives que font les femmes dans la vie de tous les jours. D’autres ONG commanditent également des paroliers et des orchestres pour qu’ils produisent des chansons avec des messages positifs, par exemple sur l’importance de l’éducation des filles. D’autres initiatives se concentrent sur l’habilitation des hommes et des femmes travaillant dans les médias pour qu’ils puissent combattre de façon concrète les aspects négatifs des médias.

L’African Women's Media Centre, établi en 1997, offre une formation aux journalistes. Une conférence annuelle destinée aux femmes cadres moyens dans les médias leur permet de perfectionner leurs compétences dans divers aspects du leadership.

Dans la région, des initiatives pour améliorer l’accès aux médias, particulièrement celui des femmes des régions rurales pauvres, ont pris plusieurs formes et ont été menées dans tous les secteurs.

Le Forum des Éducatrices africaines (FEA) s’est efforcé d’améliorer l’éducation des filles, car elle a un impact direct sur la capacité des femmes de profiter des programmes organisés par les médias.

Le groupe Women's Radio Listening Clubs du Zimbabwe a 52 clubs d’écoute de la radio, qui permettent un dialogue entre les femmes des régions rurales et les décideurs. Les membres, pour la plupart des femmes, se rassemblent dans un centre communautaire et écoutent ensemble une émission de radio d’une demi-heure, l’enregistrent et en discutent. Des réalisateurs de la station nationale de radio recueillent les questions soulevées par les femmes des clubs d’écoute et les transmettent aux décideurs appropriés, puis ils font passer leurs réponses sur les ondes dans des émissions ultérieures.

Le Community Radio Pilot Project de Women'sNet d’Afrique du Sud s’attache à augmenter le contenu « femme » des stations de radio communautaire et à développer la capacité des organismes pour l’avancement de la femme en vue de réaliser des émissions destinées à la radio communautaire. Ce projet a de nombreux partenaires de toutes sortes : des stations de radio communautaire, des organismes de femmes locaux, des ONG nationales et la Commission gouvernementale sur l’égalité entre les sexes.

World Space, un réseau radiophonique parallèle mondial, utilise une radio satellite pour atteindre les groupes de population marginalisés. Cette entreprise a lancé le satellite AfriStar, qui est capable de transmettre presque 200 chaînes de programmation. La chaîne proposée considère les femmes en tant que « narratrices de leurs propres expériences ». Bien qu’elle ne soit pas encore en service, elle indique l’avenir de la radiodiffusion en Afrique. Le réseau prévoit également trouver des mécanismes pour distribuer des radios satellites à ceux qui n’ont pas les moyens de les acheter.

Le débat sur les nouvelles et futures TIC ainsi qu’un dialogue sur le genre de TIC nécessaires en Afrique se poursuivent, examinant en cause si les TIC devraient l’emporter sur les besoins d’alimentation et d’hébergement. Nombreux sont ceux qui font valoir que les TIC peuvent être utilisées pour accélérer les mesures de soulagement de la pauvreté et rendre la gouvernance plus démocratique et participative. Plusieurs projets sont à l’essai dans ce domaine à travers la région.

FOWODE, une ONG ougandaise, recueille de l’information et des renseignements pertinents sur Internet et les transmet aux femmes parlementaires.

Les échanges entre les groupes de femmes se sont intensifiés grâce aux TIC. Une femme sud-africaine a affiché un message à la liste d’envoi d’APC-Africa-Women, demandant des renseignements sur une campagne au sujet des droits de reproduction et de santé des femmes. Elle a obtenu deux réponses d’autres pays d’Afrique expliquant la législation pertinente qui pourrait être utilisée en tant que précédent dans la campagne sud-africaine.

L’initiative de l’African Gender Institute's WomenNet a établi un échange d’information par voie électronique parmi les bibliothécaires et documentalistes qui traitent de l’équité et de la justice entre les sexes. En Ouganda, Healthnet a commencé à examiner l’usage par les femmes de l’information sur la santé et leur accès à cette information.

Les TIC changent également le fonctionnement des services de presse et offrent de nouvelles opportunités aux femmes journalistes. Des femmes qui ont reçu une formation spéciale travaillent comme rédactrices en ligne pour les versions Internet des journaux quotidiens. Les deux grands quotidiens du Kenya ont des rédactrices en ligne. Une formation est essentielle à l’utilisation efficace des TIC. Les organisations offrent aux femmes une formation technologique leur permettant d’utiliser les TIC. Par exemple, IPS Africa a organisé, en 1999, un programme de formation en technologie de l’information à l’intention des femmes journalistes.

L’Association for Progressive Communications (APC), qui regroupe des pionniers de la formation technologique assistée par ordinateur pour les femmes, a offert des sessions de formation sur le contenu informatique pertinent sur la Toile (World Wide Web).

WomenNet d’Afrique du Sud a organisé, en 1999, un atelier réunissant des journalistes et des activistes d’ONG africaines pour rechercher les moyens de développer du matériel indigène approprié sur l’Afrique par des Africaines. Les participantes ont développé le site Web Flamme Africa (http://flamme.org) pendant cet atelier. Le lancement d’un site Web de l’Eastern African Media Women's Association (http://eamwa.org/) était une autre initiative récente organisée à l’occasion de la Journée internationale de la femme de 2001.

 


« Actuellement, seules les femmes professionnelles de la classe moyenne les utilisent [le courrier électronique et Internet]. Si l’on veut en faciliter l'accès pour les femmes des autres classes et secteurs, [ces technologies] devront être disponibles dans des institutions locales auxquelles les femmes ont un accès libre et égal, tels les centres de santé, les ONG de femmes, les centres d'emploi pour les femmes, les bibliothèques, les instituts et départements d'études féminines et peut-être même les églises. Leur disponibilité dans ce type de contexte favorise leur usage pratique et spécifique par les femmes qui sont limitées par des contraintes de temps. Par exemple, l’accès à Internet dans un centre de santé local permettrait aux femmes de trouver l’information sur la santé dont elles ont besoin pour elles-mêmes et pour leurs enfants, qu’elles pourraient consulter lors d’une visite médicale. Quand les femmes ont l’occasion de se servir des TIC et d’en découvrir les avantages, elles n’hésitent plus à les utiliser. » (Rapport préparé par Women in Global Science and Technology, cité dans Robins 2000).


Environ 170 femmes journalistes, provenant du Sénégal, du Ghana, du Kenya, du Nigeria, de l’Afrique du Sud, de l’Ouganda, du Zimbabwe et de Zambie, ont participé à une session de formation virtuelle commanditée par l’African Women Media Centre (AWMC) sur « le reportage au sujet du VIH/SIDA et les femmes en Afrique ».

Le marché a pris la relève là où les gouvernements n’ont pas été à la hauteur. Des télécentres privés (répondant aux besoins de base des habitants des zones rurales) sont apparus même dans les villages les plus éloignés, alors que les réseaux de communication plus axés sur le développement n’ont pas été capables de s’imposer au-delà des grandes villes ou des localités où ils organisaient des projets. Les télécentres améliorent l’accessibilité et l’utilisation innovatrice des TIC dans les régions où il n’y a pour ainsi dire pas d’établissements d’éducation formelle ou d’accès à l’infrastructure de l’information. Ils offrent des services téléphoniques et informatiques et servent de centres de divertissement dans les régions isolées. L’Afrique du Sud est le pays d’Afrique qui a le plus grand nombre de télécentres, on en trouve aussi au Ghana, en Ouganda, en Tanzanie, en Zambie et au Zimbabwe.
Les télécentres peuvent donner une formation aux habitants des environs, fournir des renseignements sur le marché et sur les possibilités de vente des produits locaux et permettre aux groupes des régions isolées de communiquer leurs préoccupations sur la situation locale aux décideurs et politiciens. En utilisant la radio et les autres technologies ainsi que l’énergie solaire, ces centres sont des propositions envisageables même dans les communautés qui n’ont pas de service de téléphone ou d’électricité. Le projet Acacia, lancé par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada, est à l’origine de la plupart des programmes pilotes de télécentres en Afrique.

En Afrique francophone, les femmes sont également marginalisées au niveau de l’accès comparativement aux hommes. Le problème d’accès est lié au manque de formation, à la rareté et à la cherté des infrastructures auxquels s’ajoute l’obstacle que constitue la langue française même et la non-maîtrise de la langue anglaise. L’usage est dans une large mesure au niveau professionnel ; au niveau domestique, seuls quelques rares privilégiés ont un accès à Internet dans les grands centres urbains.

Selon une étude intitulée African Women Speak on the Internet et réalisée pour WomenAction et APC-Africa-Women en mai 2000, 75 % des interlocutrices affirment être confrontées à des problèmes d’équipement dans les TIC. Les francophones avaient davantage de problèmes d’équipement que les anglophones. Il n’y a pas de lien établi entre le langage de la région et le problème d’équipement même si celles qui y ont fait référence sont toutes des francophones. Il est intéressant de relever le fait que toutes les enquêtées maîtrisent l’anglais ; ceci pour dire que leurs réponses ne reflètent pas vraiment la réalité. Combien sont-elles de francophones qui parlent l’anglais ?

L’étude a fait ressortir que l’anglais se glisse sensiblement au-dessus du français dans le mode de communication électronique pour Beijing+5. L’accès au savoir (dont celui relatif aux TIC) pose un problème en Afrique parce qu’il se fait par le truchement de langues qui sont autres que celles des populations.

Néanmoins, différentes initiatives ont été amorcées après Beijing pour un meilleur accès des femmes aux TIC. Les ONG de femmes ont remplacé les gouvernements, car ceux-ci ont plutôt traîné les pieds. Divers programmes de formation, d’encadrement et de facilitation pour l’usage des TIC ont vu le jour sous les auspices d’ONG locales et internationales.

Le programme Communication pour les femmes, mis en œuvre par l’équipe Environnement et Développement du Tiers monde-Synergie, Genre et Développement (Enda-Synfev) de l’ONG Enda-Tiers-Monde, est un exemple fort intéressant. Ayant vu le jour en 1995, ce programme veille à assurer l’accès des femmes francophones à l’information et aux technologies de la communication. Famafrique, un site Web destiné aux femmes d’Afrique francophone, est l’une des réalisations les plus en vue de ce programme.

Conclusion

Cinq ans et demi après la Plate-forme d’action de Beijing, le sort des femmes dans les médias ne semble pas s’être considérablement amélioré. Beaucoup d’initiatives ont vu le jour en Afrique, et il importe de les louer, mais elles n’ont pas permis un changement radical de la situation. Le meilleur acquis est la prise de conscience résultant des efforts de lobby des femmes. Ces actions sont encore éparses et timides lorsqu’on les compare à celles entreprises dans d’autres parties du monde. La capacité organisationnelle et de lobbying n’est pas aussi développée chez les Africaines francophones que chez leurs sœurs anglophones. En plus, le mouvement associatif est beaucoup plus développé chez ces dernières qui bénéficient de beaucoup d’opportunités grâce à l’usage de l’anglais et à une tradition de lutte nettement plus ancrée.

Une grande contrainte, qui constitue par ailleurs le défi auquel toutes les sociétés de la « périphérie » sont obligées de faire face aujourd’hui, a trait à la mondialisation. Le centre constitué par les sociétés occidentales (l’Ouest de l’Europe et les États-Unis essentiellement) est le cadre d’élaboration de toutes les idées devant régir le monde et de tous les produits à destination de la nouvelle société de consommation. Les médias sont la charnière de ce mouvement. Ils sont à la fois le principal canal de diffusion de ces idées et produits et sont eux-mêmes un important élément au sein de ces divers produits.

Les TIC ont aboli les notions de temps et d’espace, alors que la prolifération des multinationales — y compris celle du secteur de l’information et de la communication — a fait dominer la logique commerciale. Les images de femmes et d’enfants sont utilisées sans aucune retenue dans les médias imprimés, audiovisuels et électroniques. Elles parviennent en Afrique francophone à travers le processus déjà explicité. Autrement dit, à défaut ou en plus d’être producteur d’images dégradantes sur les femmes, on peut se borner à rester un consommateur actif ou passif. Ce sont les médias qui se retrouvent partout, car la globalisation permet aux multinationales d’être reçues dans les parties les plus reculées du monde pour peu qu’il y ait un minimum d’infrastructure. Les images qui sont véhiculées causent partout le même tort aux femmes où qu’elles se trouvent.

Les actions indépendantes des femmes des médias, des organisations de femmes ou des structures internationales ne suffisent pas à elles seules pour atteindre les objectifs fixés par la Plate-forme de Toronto et la Plate-forme d’action de Beijing. Les États ont une large part de responsabilité dans leur réalisation et ils doivent être les premiers à montrer le chemin en dépassant le stade des discours et des déclarations de bonne foi. Ils doivent faire adopter des textes de loi allant dans ce sens et, plus important, veiller à leur application rigoureuse. La plupart de nos États sont bien prompts à adopter des résolutions et à adhérer à des lois, surtout celles à l’œuvre d’organisations internationales, mais bien plus pour être « politiquement corrects » que par souci d’apporter des changements effectifs aux situations en question.

Les réseaux des pays francophones proposent de concentrer l’attention sur les points suivants couverts dans la Section J de la Plate-forme d'action de Beijing :

  1. L’instauration de politiques « travail égal, salaire égal » et de discrimination positive (affirmative action) pour les femmes.
  2. La formation des femmes pour améliorer leur compétence professionnelle et accroître leur compétitivité dans le marché de l’emploi.
  3. La sensibilisation des responsables des organes de presse pour leur inculquer une sensibilité au genre.
  4. Des organisations professionnelles actives pour des femmes dans les médias ; les différentes sections de l’Association des professionnelles africaines de la communication (APAC) n’ont qu’une existence virtuelle ou sont réduites à des activités très sporadiques des lois interdisant la diffusion de paroles et d’images dégradantes sur les femmes
  5. La mise en œuvre de mécanismes de surveillance compétents et fonctionnels. Ces derniers se chargeront de veiller au respect des textes.
  6. Des programmes spéciaux pour la mise en réseau de toutes les organisations de femmes, afin de donner à leurs membres des formations adéquates en matière de TIC ainsi que des moyens d’initier leurs sœurs à la base.
  7. Les télécentres communautaires peuvent s’avérer particulièrement efficaces et devraient être multipliés et encouragés.

Références

Afrique anglophone

African Women's Development and Communication Network, FEMNET.
http://www.femnet.africaonline.co.ke

African Women's Media Center, On the Wire, divers numéros.
http://www.awmc.com
ou http://www.iwmf.org

APC-Africa-Women.

Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires, AMARC,
http://www.amarc.org

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Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, Democratizing Access to the Information Society , Aida Opoku Mensah, ADF 1999.

Flamme : African Sisters Online,
http://flamme.org

Hidaru, Aster, A women's satellite channel for Africa, WorldSpace Corporation.

Huyer, Sophia, Supporting Women's Use of Information Technologies for Sustainable Development,
http://www.wigsat.org

Morna, Colleen Lowe et Zohra Khan, Net Gains: African women take stock of information and communication technologies, juin 2000.

Ngangoue, Nana Rosine, « Women's Viewpoint, Stories Muted in Media, Says Study », Inter Press Service, 13 mars 2001.

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